Le blog d'Archiloque

Fiche de lecture : “Too much to know: managing scholarly information before the modern age”

De nos jours trop de choses sont publiées, au point qu’il est devenu impossible de se tenir au courant de ce qui sort. De plus cela rend le travail de recherche très difficile : savoir quoi lire, comment retrouver les passages intéressants, comment gérer les notes qu’on prend… quel enfer !

Ce type de plainte ne date pas d’aujourd’hui mais du seizième siècle, quand la presse à imprimer à permis une abondance de livres impensable jusque là.

Ce texte de Ann M. Blair traite des inventions et des adaptations successives ayant eu lieu pour tenter de répondre à ces problèmes.

Quand on ouvre un livre universitaire récent, on s’attend à un trouver des parties et des sous-parties, un sommaire détaillé, un index, une bibliographie, mais aussi des notes, des références croisées… Mais ces choses n’ont pas toujours existé. C’est une évidence quand on y réfléchit, mais il a bien fallu avoir l’idée et créer une première version de ces différents éléments, puis leur forme a petit à petit évolué jusqu’à atteindre celle qu’on leur connaît aujourd’hui.

Dans la Polyanthea, un exemple d’organisation hiérarchique de l’information

Du côté des lecteurs et des lectrices, les programmes informatiques de gestion de bibliothèques et de citation n’ont pas toujours existé. Même les fiches bristol, que l’informatique a peu a peu remplacé, ont bien du être inventées. De ce domaine là également, le livre fait une généalogie de la gestion de la connaissance.

Cela va de découper les livres pour en compiler les passages intéressants (l’expression “couper-coller” vient bien de quelque part), à des fiches au format standard et rendues repositionnable grâce à une colle spéciale pour faciliter l’organisation des textes.

L’idée n’est pas de dire qu’il n’y a rien de neuf sous le soleil, mais au contraire que toutes ces choses ont une origine, et que l’état actuel de nos pratiques n’est pas quelque chose de fixe mais quelque chose qui devrait continuer à évoluer.

Ce livre m’a permis de questionner des choses qui semblent évidentes. Les exemples de propositions que l’histoire n’a pas retenues sont ainsi très enrichissantes pour comprendre les limites de nos approches actuelles.

À propos des applications de gestion des connaissances

Le sujet de la gestion des connaissances m’a particulièrement intéressé car c’est un domaine très à la mode dans le monde de l’informatique. En effet de très nombreux outils existent, des plus simple aux plus perfectionnés, et certaines personnes prennent très aux sérieux leur utilisation de ce type d’application.

Concernant la gestion des notes et des extraits de livres, Ann M. Blair fait une distinction intéressantes entre une deux modes de prise et de gestion de notes :

  • lorsqu’elles sont faite avec un objectif de produire quelque chose de précis comme écrire un article ou un livre,

  • lorsqu’elles ont pour but premier de servir à la réflexion personnelle et d’aide mémoire, voire quand prendre des notes est un plaisir en soit qui n’amène aucune suite.

La distinction n’a pas pour but de comparer la valeur des deux activités, mais permet de s’apercevoir que les deux ne se font pas de la même manière et ne nécessite donc pas forcément le même type d’outil. J’ai l’impression que prendre en compte cette distinction pourrait améliorer les discussions à propos des outils, et ainsi mener à des outils plus adaptés à l’un ou l’autre mode, voire aux deux mais en acceptant qu’il s’agit de deux utilisations distinctes.

Le bémol est que cela signifie d’accepter que la prise de notes à laquelle on se livre n’a pas pas pour objectif final un grand œuvre mais qu’elle n’est que cela, alors que je soupçonne qu’une partie importante du marché des outils les plus avancés est constitué de personnes qui les achètent pour pouvoir caresser ce rêve.