Le blog d'Archiloque

Être pris·e au sérieux quand on travaille dans le développement

Pour se faire entendre au travail il est nécessaire d’être pris·e au sérieux par ses pairs.

Dans le développement, dans toutes les organisations que j’ai connu, deux choses sont importantes pour que ça soit le cas :

  1. la compétence,

  2. la capacité à correspondre au portrait que les autres se font d’une personne compétente qui travaille dans le développement.

L’importance des deux varie selon les organisations. Même si j’en ai très envie, je n’irais pas jusqu’à dire que dans certains endroits le premier élément n’a aucune importance, mais le second est absolument essentiel dans votre carrière. Il est particulièrement important pour se faire reconnaitre par les autres personnes qui travaillent dans le développement.

Le second est aussi celui qui est injuste.

Tout d’abord il dépend de qui vous êtes, ainsi si vous êtes un homme blanc cisgenre présentant les caractéristiques d’une personne ayant fait des études supérieures dans un domaine scientifique, la partie est déjà presque gagnée. Là dessus malheureusement vous ne pouvez pas faire grand chose.

Il dépend aussi de vos centres d’intérêts et de vos goûts, surtout en matière de technique et de sujets avoisinants, par exemple :

  • Utiliser un clavier mécanique,

  • Utiliser un thème sombre,

  • Aimer les langages fonctionnels et/ou exotiques,

  • Beaucoup utiliser le terminal, et particulièrement un éditeur de code en mode texte.

Cette liste est loin d’être exhaustive et dépend des communautés, des organisations et même des équipes, certains des éléments peuvent même être, au contraire, des freins dans certains endroits, mais en cumuler quelques uns vous donne un avantage à peu près partout.

Je ne dis pas que les personnes qui ont ces goûts se trompent (ainsi je recommande d’utiliser un clavier qui vous convienne, qu’il soit mécanique ou non), mais je dis qu’avoir ces goûts et le faire savoir aura tendance à vous faire prendre au sérieux par les autres, car cela montre que vous faites partie du groupe.

keyboard
En cherchant une illustration pour cet article j’ai découvert ce magnifique clavier mécanique, si une personne veut me l’offrir je serais heureux de l’utiliser

Pour les personnes qui ont fait une école d’informatique “classique”, ces goûts font généralement partie de l’apprentissage délivré par l’école, au même titre que les compétences techniques.

Cela fonctionne même si cela n’est pas perçu par les élèves ou par le corps enseignant. (Pierre Bourdieu dirait que ça fonctionne d’autant mieux que cela n’est pas perçu.)

Les personnes ayant suivi un autre cursus, par exemple une formation courte, n’ont souvent pas acquis ces goûts, et sont donc désavantagées par rapport aux autres[1].

Que faire ?

Si vous n’avez pas les goûts qu’il faut et que vous avez besoin de vous faire reconnaître

Si vous êtes dans ce cas, ma suggestion est de vous y mettre. C’est-à-dire d’écouter autour de vous de quoi parlent les personnes qui semblent donner le ton, et d’investir du temps dans la liste des goûts qui sont valorisés.

C’est un peu dommage d’avoir à investir de l’énergie là dedans, mais voyez ça comme une compétence que vous développez, de la même manière qu’une compétence technique classique, elle vous est seulement utile d’une manière différente.

Et encore une fois je ne dis pas qu’appendre à mieux utiliser votre terminal est inutile, mais qu’en plus d’être possiblement utile sur le plan technique, cela vous sera utile pour être pris·e au sérieux.

J’ai choisi volontairement d’exclure de la liste les choses non liées à l’informatique, comme aimer les films de science-fiction ou les jeux de rôles. Ce n’est pas que je pense qu’avoir ces goûts ne vous aide pas, mais j’espère qu’aller jusque là n’est pas nécessaire.

Si vous avez pas les goûts qu’il faut et que vous êtes pris·e au sérieux par les autres

Si vous avez établi votre statut dans votre organisation en ayant par exemple un poste à responsabilité, essayez de prendre conscience de ce qui se joue.

L’objectif n’est pas de vous culpabiliser, mais d’utiliser votre position pour essayer de rendre ces éléments moins importants dans la lutte pour la reconnaissance pour que les personnes n’ayant pas les bons codes soient moins désavantagées.

Cela passe par essayer de ne pas valoriser ces différents éléments plus qu’ils ne le devraient lorsque vous ou d’autres personnes en parlent.

Ça peut être assez désagréable si vous même partagez ces goûts : il faut vous restreindre sur des choses qui vous passionnent. C’est à vous de faire votre choix : décider de ne pas lutter contre le système c’est participer à ce qu’il perdure.

Pour aller plus loin

Le fait que la reconnaissance du statut passe par des choses qu’on acquiert inconsciemment en fréquentant des pairs correspond à la notion sociologique d’habitus de classe qui a été développé notamment par Pierre Bourdieu.


1. Et je pense d’ailleurs que ces sujets devraient être intégrés dans les formations courtes