Le blog d'Archiloque

L’Agile™ et l’inculpabilité

Nous sommes l’axe du bien. Nous faisons le bien et portons le bien au mal qui fait du mal au bien. Nous sommes l’axe du bien. Nous sommes l’axe du bien en lutte contre le mal. Contre l’axe du mal. L’axe du mal fait le mal où se trouve le bien. Nous sommes l’axe du bien en lutte contre le mal. L’axe du mal fait le mal au bien qui lutte contre le mal. Nous sommes les forces du bien pour le bien des forces du bien qui luttent afin de rétablir le bien de l’axe du mal. Nous sommes les forces du bien.

— Jean-Michel Espitallier
En guerre

Au commencement était l’extreme programming. À cette époque lointaine, il s’agissait d’un ensemble de pratiques permettant d’améliorer la productivité et la qualité des logiciels produits.

Ensuite est arrivé l’agile et surtout l’Agile.

L’Agile c’est l’agile devenu une fin en soi. Pour convaincre ou par facilité, on est souvent passé de “les pratiques agiles permettent de” à “l’Agile™ permet de” puis à “il faut être Agile™ pour” et finalement à “si vous n’êtes pas Agile™ vous”.

De pratiques, à marque, à injonction, à menace.

Malheur à qui n’est pas Agile !

Je vois maintenant arriver l’étape de l’inculpabilité. L’inculpabilité, terme emprunté à Philippe Grasset, c’est l’incapacité de pouvoir se remettre en cause car on est persuadé d’être du bon côté.

L’impossibilité de critiquer une pratique car elle est Agile, car critiquer cette pratique c’est critiquer l’Agile, c’est-à-dire ne pas vouloir être Agile, ce qui est inconcevable.

Cela donne : de l’agile by the book, des discussions sur “faut-il être lean ou Kanban ou Leanban ou Kanlean”, des gardien·ne·s du temple Agile™ qui s’accaparent la droit de décider de ce qui est légitime et ce qui ne l’est pas.

Une partie de la communauté Agile s’agite sur la question d’abandonner le navire : trouver un nouveau, le refonder sur d’autres bases pour lui redonner un sens et une légitimité.

Je suis pessimiste et j’ai peur que le monstre soit devenu trop fort.

agile
L’Agile dévorant ses enfants

Il faudra probablement vivre quelques années au moins sous le règne de l’Agile.

Quand assez d’échecs auront été commis en son nom, il sera temps de bruler l’idole et possible de mener un inventaire et de tenter autre chose.

En évitant la nostalgie et les radotements des “de mon temps l’agile”.

D’ici là, expérimentons heureux, expérimentons caché.