Ce livre est un tour d’horizon état de l’art de la recherche sur les jeux de rôle. Rédigé par plus d’une cinquantaine d’auteur·e·s, il s’ouvre sur une histoire des jeux de rôle et les différents types de jeux actuels (jeux vidéos, de plateau, LARPs…). Il s’intéresse ensuite aux perspectives apportées par différentes disciplines, de la communication à la recherche littéraire et la psychologie, pour se conclure sur des sujets de recherche plus précis : l’immersion, la construction d’univers partagés ou le rapport à la transgression.
Vu le nombre de domaines couverts, le contenu est très synthétique. N’espérez donc pas faire de découvertes sur les sujets que vous connaissez mais plutôt découvrir des choses dont vous n’avez pas entendu parler, ou enrichir votre liste de lecture.
Un des thèmes qui traverse le livre est que les jeux de rôle sont souvent une forme de création collective d’un monde que les joueurs et les joueuses habitent pendant qu’ils et elles jouent.
La description de ce travail de création m’a beaucoup rappelé celui de la conception de logiciels, et le parallèle est éclairant sur trois aspects.
Le premier est le fait que construire un logiciel ressemble fortement au fait de créer un univers de fiction dans un système de règles. En effet dans un logiciels, il y a un socle sur lequel on s’appuie, et sur lequel on va construire en groupe un ensemble de choses. Ces choses peuvent être modifiées (certes plus ou moins facilement), au fur et à mesure que l’histoire du projet avance, qu’on invente de nouveau concepts et qu’on les ajoute au monde du projet. Les personnes peuvent se renouveler et les idées se modifier, mais l’important est que les personnes se reconnaissent dans le projet auquel elle contribuent.
Ensuite il y a la capacité des personnes à s’investir personnellement dans une création collective, même lorsqu’il s’agit d’un jeu. Les études montrent à quel point une personne va avoir tendance à influencer le personnage et le monde dans lesquels elle joue, mais aussi à quel point les jeux influencent aussi les personnes en dehors des phases du jeu. Cela m’a rappelé les discussions sur l’égo et le développement, et à quel point les injonctions à ne pas se sentir touché par les critiques faites à du code qu’on a écrit sont contradictoires avec le fait de demander aux personnes de s’impliquer dans leur travail.
Finalement il y a les différents types de règles, qui correspondent aux différentes choses que les personnes recherchent en jouant. Certains jeux s’appuient sur des règles très structurantes, et peuvent attirer des joueurs et des joueuses qui auront plaisir à exploiter ces règles du mieux possible pour maximiser les compétences de leur personnages. D’autres privilégient des règles plus molles, permettant de donner un cadre mais sans trop contraindre, afin de pouvoir laisser plus de place à l’imagination et à l’expression personnelles. D’autre encore prennent le parti d’avoir le moins de règles possibles, notamment pour explorer des styles de jeux impossible dans des systèmes plus fermés.
Le parallèle est assez direct avec l’informatique où, suivant les besoins et les envies personnelles, on pourra préférer des outils et des langages plus ou moins complets et plus ou moins malléables. Ces règles et pratiques sont alors des constructions et/ou des choix propres à une certaine équipe, ce qui est efficace ou satisfaisante dans un groupe ne le sera donc pas nécessairement dans un autre.
Comme pour les jeux, dans un groupe on peut vouloir privilégier l’homogénéité ou au contraire l’hétérogénéité : les deux modes menant à des choses différentes. Cela montre l’importance de s’accorder sur les principes et les raisons des choix qui sont fait, pour permettre aux personnes de s’investir d’une manière qu’elles trouvent satisfaisantes.
Si le travail de développement n’est pas un jeu, je pense que des parallèles intéressantes existent et peuvent être éclairants pour comprendre le fonctionnement de certains projets.