Ce livre est une critique du conseil en management. S’appuyant sur une étude détaillée de nombreux texte de conseil en management rédigés par des personnes à succès ou des consultant·e·s, Chris Argyris explique les erreurs qu’il a le plus souvent rencontrées.
Si le livre donne quelques exemples d’approches valides, il ne se veut pas lui-même un guide de management. L’objectif est d’aider les lecteur·rice·s à choisir des ressources ou des consultant·e·s fiables.
La théorie et la pratique
Manager suppose deux choses :
-
Les valeurs sur lesquelles on pense s’appuyer :
-
Les valeurs sur lesquelles on s’appuie réellement.
Le problème principal des mauvais conseils en management c’est que les deux ne sont pas cohérents : les valeurs prônées par les consultant·e·s ou les leaders ne sont pas celles qui sont appliqués. Cet écart en discours et pratique n’est pas de la manipulation volontaire mais un biais inconscient : les différentes personnes ont bien le sentiment de faire ce qu’elles disent.
Selon l’auteur, les conseils ainsi prodigués ont très peu de chance de fonctionner car ils seront très difficiles à mettre en œuvre.
L’auteur donne plusieurs exemples de textes où les grands principes prônés sont en opposition complètes avec les comportements décrits. Une fois vacciné par l’explication, les failles dans les discours apparaissent immédiatement.
Les deux modèles
Chris Argyris identifie deux grands modèles de management :
Modèle un | Modèle deux |
---|---|
Avoir le contrôle unilatéral |
Exercer un contrôle partagé |
Faire des suppositions pour expliquer les actions des autres |
Faire des choix libres et informés |
Supprimer les sentiments négatifs |
Exprimer ses sentiments |
Mettre en avant la rationalité |
Tester et valider |
Pour caricaturer, le premier modèle est celui du “commander et contrôler” des organisations classiques, le second celui des entreprises apprenantes.
Discours modèle un et pratique du modèle deux
Le premier problème des mauvais conseils en management est de proposer une transformation vers le modèle deux tout en mettant en œuvre des pratiques du modèles un.
Par exemple la plupart des leaders parlent de prise de décisions collectives tout en décrivant des modes de fonctionnement unilatéraux où un ou une leader sait ce qu’il faut faire.
Ce biais est redoutable, car il s’appuie sur une des particularités du modèle un. En effet dans une organisation classique, les dysfonctionnements ont deux caractéristiques :
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Il existe une explication raisonnable et acceptée du problème (« ça ne peut pas fonctionner chez nous parce que… ») ;
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Cette explication n’est pas discutable ou questionnable (« on a déjà essayé…», « ne soyez pas négatifs mais force de proposition… », « on sait comment ils fonctionnent, pas la peine d’aller »).
Cela protège les dysfonctionnements des personnes de bonnes volontés qui voudraient améliorer les choses, et fournit des excuses légitimes à ceux qui en ont besoin, de bonne ou de mauvaises foi.
Les leaders peuvent s’appuyer sur ce type de raisonnement pour justifier une non mise en œuvre du modèle deux, même si c’est celui qui est officiellement mis en avant.
Implication interne ou externe
Selon l’auteur, le conseil en management privilégie dans son discours le modèle deux car c’est celui qui permet une implication interne, c’est-à-dire que les personnes vont s’impliquer dans leur travail en essayent de faire au mieux pour atteindre les objectifs qu’ils ou elles se sont fixés.
Le modèle un est au contraire celui de l’implication externe, celle où il suffit de donner le change, et où la meilleure approche est de trouver des raisons légitimes, c’est-à-dire acceptée par l’organisation, de ne pas atteindre des objectifs fixés par d’autres.
La perversion du modèle est de vouloir le beurre de l’implication interne, sans l’argent du beurre de laisser aux personnes avoir leur mot à dire ni de leur donner les moyens nécessaires.
Dans mon expérience, c’est l’archétype de la transformation agile pilotée d’une main de fer depuis le haut de la pyramide.
La double boucle
Pour l’auteur, la base d’une transformation vers le modèle deux est ce qu’il appelle la double boucle, c’est-à-dire la capacité à mettre en cause les normes du système.
Sans capacité de changer les règles il est très difficile d’améliorer significativement le fonctionnement d’une organisation.
Normes ──────► Actions ──────► Conséquences ▲ ▲ │ │ │ │ │ └──Boucle simple───┤ │ │ └────────Boucle double────────────┘
Les exemples de changement de système qui fonctionnent sont ceux où le management donne l’exemple de la double boucle, c’est-à-dire celui où les responsables acceptent que leurs normes soient questionnées et remises en cause.
Des conseils applicables et vérifiables
L’autre critère important pour valider que des conseils sont pertinents est de vérifier s’ils sont applicables et vérifiables.
Un conseil applicable est un conseil sous forme d’une action à mettre en œuvre plutôt que d’un état à obtenir.
Ainsi, dire “il faut que les décisions soient prises de manière partagées” est inapplicable : si l’auteur·e ne décrit pas les actions concrètes à entreprendre pour changer le mécanisme de prise de décisions, le conseil n’a que peu de valeurs.
Un conseil vérifiable est un conseil dont il est possible de tester le bon résultat : avant de faire quelque chose, il faut pouvoir savoir si on a atteint ses objectifs, sinon comment savoir si ce qu’on fait fonctionne ?
Un·e consultant dont les suggestions ne répondent pas à ces deux conditions sont à éviter.
En conclusion
Les livre m’a fourni des concepts et des raisonnements pour expliquer le sentiment d’insatisfaction que j’avais en lisant certains articles sur l’agile. Je saurais désormais comment faire le tri, et pouvoir l’argumenter.