Imaginez une personne chargée d’améliorer la performance d’une équipe de développement.
Cela peut vouloir dire faire en sorte que l’équipe produise plus de choses, ou des choses de meilleure qualité, mais peu importe.
Pour cela la personne va proposer des modifications dans les outils utilisés et/ou les manières de travailler.
(Cela peut se faire de manière directe, en décidant, ou de manière indirecte, par exemple en “challengeant les choix de l’équipe” jusqu’à ce qu’elle décide de choisir des solutions qui semblent pertinentes à la personne en charge de l’amélioration.)
Séparons ces modifications suivant leurs conséquences sur l’effort à fournir par les membres de l’équipe dans leur travail :
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Certaines modifications améliorent la performance en diminuant les efforts à fournir.
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Certaines modifications améliorent la performance en maintenant au même niveau les effort à fournir.
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Certaines modifications améliorent la performance en augmentant les effort à fournir.
Le premier cas est un gagnant-gagnant : l’organisation et les membres de l’équipe y gagnent tous les deux. C’est la situation idéale, par exemple quand on met en place un outil pour remplacer une tâche qui demande un certain niveau d’effort.
Cela ne veut pas dire que le partage est équitable, c’est-à-dire que la répartition du gain n’est pas forcément juste, mais au moins les deux parties y gagnent.
Le second cas est un gagnant-pareil : l’organisation y gagne mais pas les membres de l’équipe.
Le troisième cas est un gagnant-perdant : l’organisation y gagne mais les membres de l’équipe y perdent du point de vue personnel. Par exemple les personnes vont rentrer chez elles plus fatiguées car elles auront travaillé plus fort, et en échange l’entreprise gagnera plus d’argent en ayant un produit plus complet, ou de meilleure qualité…
C’est par exemple le cas quand on automatise une tâche peu fatigante et qui permet de souffler un peu, et qu’on augmente ainsi le niveau d’effort moyen à fournir dans la journée.
Dans certaines entreprises il existe des mécanismes pour contrebalancer les effets de cette situation, par exemple des syndicats peuvent demander des augmentations de salaire ou des diminution de temps de travail pour faire en sorte que le résultat soit moins inégalitaire.
En revanche dans beaucoup d’entreprises informatiques, ces mécanismes n’existent pas. Je dirai même que souvent, ce qui manque ce sont les conditions permettant de parler de cette situation.
En effet, le vocabulaire de l'“engagement” qui est à la mode dans ces entreprises dit que les employé·e·s doivent faire tout ce qui leur est possible pour obtenir le meilleur résultat, en montrant qu’ils et elles sont prêt·e·s à s’investir.
Les objectifs de l’entreprises sont alors confondus avec les objectifs des personnes.
Ma passion c’est d’apporter de la valeur.
Mentionner la possibilité que les deux peuvent s’opposer c’est quasiment faire preuve de sédition.
Par exemple dire “si je fais ça, mon travail va demander plus d’efforts, donc je ne suis pas d’accord pour le faire sans compensation”, vous fait passer pour un·e dangeureux·se révolutionnaire, au risque d’y gagner mauvaise réputation, des opportunités moins bonnes et des augmentations de salaire plus faibles…
C’est quelque chose qui me questionne quand on me demande d’améliorer les résultats d’une équipe : comment obtenir un résultat qui soit satisfaisant pour l’organisation qui me mandate, sans léser les membres de l’équipe ?
Une partie du discours du coaching parle du besoin d’avoir l’accord des personnes, mais quelle valeur a un accord quand exprimer un désaccord revient à prendre un risque pour son bonus ou son augmentation ?
Quand on travaille dans une organisation à améliorer les choses, il est parfois facile d’oublier les rapports de force.