Le blog d'Archiloque

Fiche de lecture : “The Manager’s Path: A Guide for Tech Leaders Navigating Growth and Change”

Ce livre a été écrit par Camille Fournier, l’une des CTO les plus respectées et écoutées, qui maîtrise aussi bien les systèmes distribuées que les memes de Bob l’éponge.

J’ai lu ce livre il y a presque deux ans, il m’a fait me poser beaucoup de questions et continue à le faire, c’est pour cela que cette fiche de lecture arrive presque deux ans plus tard.

Il s’agit d’un livre sur le management pour des personnes de l’IT, aussi bien pour les personnes qui managent que les personnes qui sont managées. Il ne s’agit pas d’un texte de self-help ou buzzwordien : pas d’effet wow ou de longs blabla mais un texte solide et assez dense qui se lit bien puis qui demande d’être digéré pour faire son effet.

C’est un des quelques textes que je recommanderais de lire à presque toutes les personnes qui travaillent dans l’IT.

Camille Fournier est de celles qui attenentd beaucoup du management et qui prennent ce sujet au sérieux : manager ce n’est pas seulement donner des objectifs et demander des comptes, mais tout un ensemble d’activités qui demandent des compétences, du temps et des efforts. Pour elle le bon fonctionnement d’une organisation nécessite un management à la hauteur.

Le texte s’adresse à tous les grades : depuis la personne qui débute, pour expliquer quoi attendre de son·a manageur·euse, au manageur·euse d’équipe, puis au manageur·euse de manageurs·euses, jusqu’aux grades exécutifs comme CTO.

Elle fait un portrait réaliste des organisations : manager c’est résoudre des problèmes, gérer des conflits, comprendre ce qu’on vous demande, tout en essayant de se ménager des temps de réflexion pour ne pas perdre pied.

Le livre ne couvre donc pas seulement les aspects “management”, mais l’ensemble de ce qui fait le travail d’une personne dans ce rôle.

Une personne qui débute, en sortira avec des idées claires sur quoi attendre des personnes aux dessus de lui ou d’elle, ainsi qu’une bonne description des activités parfois mystérieuses qui les occupent.

Si certain de mes managés ou ex-managés lisent ce livre, j’espère que leur image de moi n’en souffrira pas trop.

Ce à quoi je pense encore deux ans après

Une partie du livre continue à me tourner autour deux ans après. Il ne s’agit donc pas d’un résumé fidèle, mais de ce que j’en ai retenu.

Le poids des mots

Manager c’est avoir une voix qui porte, dans le sens où le pouvoir hiérarchique donne du poids à ce que l’on dit.

Manager c’est ne plus pouvoir dire “voila mon avis mais vous faites comme vous voulez” car l’avis d’une personne qui manage compte toujours, même quand elle n’en a pas envie.

Il faut donc apprendre à assumer le poids de ce que l’on dit et/ou apprendre à se taire plus souvent.

La conclusion est que les blagues “vers le bas” sont à exclure : se moquer, même gentiment, d’une personne sur laquelle on a du pouvoir est à exclure.

Les problèmes

Manager c’est résoudre des problèmes.

En effet plus on est haut placé·e plus on a une vision large et plus on a accès à des ressources importantes.

Quand on manage, il est donc normal que des personnes viennent vous voir avec des problèmes qu’elles ne savent pas résoudre : vous êtes en principe mieux placés qu’elles pour cela.

Parfois c’est fatiguant, et parfois on aimerait avoir des journées plus tranquilles.

Parfois vous pouvez même avoir l’impression que les personnes viennent vous voir par facilité, alors qu’à votre avis, elles auraient dû trouver si elles avaient fait un effort…

La tentation peut alors être grande de dire “ne venez me voir que si vous avez des solutions”.

Mais dire cela, c’est abdiquer sa responsabilité et prendre le risque de se décrédibiliser.

Mieux vaut (apprendre à) admettre que c’est pas le moment, qu’on a besoin d’aide, qu’on est humain.

La fin et les moyens

Manager c’est déléguer, être managé·e c’est se faire déléguer. Quand on délègue, on peut ne pas percevoir qu’on délègue mal, notamment en ne donnant pas les moyens d’atteindre ce qu’on demande.

En tant que managé·e, il faut apprendre à se poser la question de l’adéquation entre ce qu’on vous demande et ce que vous avez à votre disposition, et apprendre à dire quand vous percevez un déséquilibre.

Si vous avez l’impression tenace qu’on ne vous écoute pas, vous avez un problème.

Manager des personnes

On peut parfois l’oublier mais les personnes qu’on manage sont des personnes, c’est-à-dire des êtres humains.

Pour pouvoir travailler efficacement, il faut donc s’intéresser à elles et eux en tant que personnes.

Il ne s’agit pas de devenir ami·e avec les personnes qu’on manage et de passer ses soirées avec eux, mais de comprendre ce qui les anime et ce qui les préoccupe, dans la mesure ou cela influe sur leur travail.

Pour les personnes comme moi qui ont tendance à être discrètes sur les sujets personnels, cela demande de faire un effort pour en parler au moins un peu.

La loyauté

En tant que manageur et manageuse, il peut arriver qu’on ne soit pas d’accord avec les décisions de l’organisation pour laquelle on travaille.

(Tout le monde sait bien que ce n’est pas mon genre…)

Malheureusement, pour vos managé·e·s, vous avez aussi un rôle de représentant·e·s de l’entreprise : vos portez la voix du management.

Cela signifie qu’une forme de loyauté peut-être nécessaire dans ce que vous dites : si vous pouvez faire état d’une certaine différence, une critique trop forte de la direction peut mettre vos managé·e·s dans des situations très inconfortables car cela signifie entendre deux discours “hiérarchiques” qui s’opposent.

Le coaching

Votre manageur ou votre manageuse est là pour vous aider à résoudre des problèmes mais aussi à prendre du recul. C’est en prenant du recul qu’on apprend à résoudre des problèmes de plus en plus compliqués, et qu’on apprend à appliquer à de nouveaux problèmes des solutions qu’on maîtrise déjà.

Malheureusement, plus votre poste est haut, plus il est difficile à votre manager ou votre manageuse de vous donner du recul : plus ou monte dans la hiérarchie, plus les problèmes sont compliqués, et plus votre responsable a lui-même ou elle-même des problèmes compliqués.

La conclusion qu’en tire Camille Fournier c’est qu’à un certain niveau hiérarchique, l’intérêt de l’entreprise est de fournir des coachs aux personnes.

Pas des coachs pour résoudre des problèmes, par exemple pendant un certain temps en cas de burn-out, mais des coachs fournis par défaut pour aider les personnes à devenir plus efficaces et à progresser dans leur travail, sans qu’elles aient à le demander.

En conclusion

Lisez, et faite lire ce livre.

Mais attention à vous si vous faites lire vos livres à vos managé·e·s, ils et elles pourraient changer de regard sur vous et trouver que vous n’êtes pas à la hauteur.